Il l'a appelée après un week end passé au KFC pourtant.
Ils ont parlé pendant des heures, huit, environ.
Ils étaient dans l'explication, le démontage méthodique et la recherche des moindres grains de poussière, de sable dans les engrenages. Ils se ont affrontés, balancé leurs quatre vérités.
Il semblait vouloir se persuader qu'effectivement, il était bien mieux sans Aile, qu'il ne l'aimait pas puisqu'il avait cédé à celle qui mouillait sa culotte devant lui depuis des mois, amoureuse d'une image aperçue alors qu'elle ne sait pas que c'est Aile qui l'a créé, cet homme dont l'esprit ne lui sera jamais familier, puisqu'il le partage au sein d'une hydre qui le connait même mieux que lui..
Aile semblait le provoquer, alors qu'Aile avait juste pitié qu'il s'abaisse à "ça" après eux, indigne de lui, d'Aile et de ce qu'ils avait construit, indigne de cette valeur qu'Aile Aile sait désormais avoir de ces beaux gosses qui à eux deux sont à peine plus âgés que lui, mais qu'elle n'aimera jamais pourtant...
Sommeil en décalé. Alors qu'Aile lui envoie un message pour répondre à sa dernière provocation en forme de "viens que je te dépèce maintenant que je ne t'aime plus", Aile, pense l'avoir retrouvé, retrouver leurs jeux. Alors qu'il n'est que colère.
Que colère..?
Les échanges filent, se poursuivre, blessants il faut le dire, mais excitants, aussi...
Il ne s'affiche pas, il dit ne pas l'aimer, juste profiter de la facilité, mais elle ne s'en prive pas auprès de quelques happy-fews, histoire cachée comme une chtouille dont seuls sont au courant ceux qui se sont baisés... S'il ne l'aime pas un peu, pourquoi alors pense t il que le monstre qu'il a créé, lui, soit amoureux? Projection, jalousie? Il se prend donc la belle gueule du beau gosse dans ses textos, et les détails salaces qu'il suggère lui sont renvoyés en pleine figure.
Aile ne se démonte pas. S.A.M lui dirait que c'est une connerie, mais Aile, Aile sait qu'il faut y aller. Affronter la bête, celle qu'ils étaient, dans la prolongation de ce qu'ils ont vécu. Dans les possibles, oui, Aile l'admet, l'envie de voir s'il y a quelque chose, encore.
Mais surtout...
Un abandon total, une confiance absolue. Aile sait qu'il peut l'anéantir, tout comme Aile l'a déjà brisé. Ils savent leurs failles, leurs noirceurs, connaissent l'autre mieux que soi...
Dernière cigarette sur le trottoir, le voir passer derrière sa fenêtre, poursuivre le jeu, mais à enjeux plus grands. Lui demander de lui ouvrir. Se changer au pied de l'escalier.
Monter.
Franchir la porte ouverte.
"Qu'est ce que tu viens chercher?"
"Je ne cherches rien. Tu m'as provoquée. Je viens".
"Je vais te traiter comme jamais je ne l'ai fait et l'amour que j'avais pour toi me l'interdisait. Maintenant que je ne t'aime plus. Déshabilles- toi."
"..."
"Déshabilles-toi."
"Tu es qui pour me donner un ordre?"
Il s'approche. Respiration. En passant derrière Aile. Faire le tour. Comme du propriétaire. Odeurs.
Le même effleurement électrique qu'il y a de ça 5 ans, lors de leur première rencontre.
La glissière de la robe noire descendue, cette robe noire sur laquelle sa salive épaisse a été épongée après qu'Aile se soit fait crocheter la gorge, par un autre, quelques jours auparavant.
La jupe en cuir descendue le long de son cul de reine. Des salopes peut être, mais de Reine. Il est à ses pieds, délaçant ses chaussures. Sourire.
Les anneaux de rechange qui étaient planqués dans la tige de la converse tombent au sol, comme un moment de doute dans ses yeux. Aile avait prévu, si jamais lorsqu'elle arrivai, il soit occupé à préparer Thanksgiving, de les lui balancer à la figure, gardant pourtant les Siens au creux d'Aile. Peut être qu'ainsi, n'ayant pas lui la force de les lui faire ôter, il aurait renoncé...
Nue, comme la vérité non pas un miroir à la main mais face à celui qui les a de si nombreuses fois reflétés, il la guide, l'installe. Ses mains se veulent fermes, Aile en reconnait pourtant les vibrations. Le tour, encore. Du propriétaire, de l'usufruitier, pendable?
Il relève les marques qu'un autre lui a fait, décrypte ses bleus. A Aile, il lui semble discerner dans les yeux de cet homme une lueur mauvaise, mais surtout peinée. Une rage contenue. Aile ne le dira pas, Aile ne sourira pas.
Parce qu'Aile est là pour...
Quoi?
Parce que peut être un point final:
comme d'autres baisent une dernière fois, Aile va s'abandonner à lui, et lui à Aile, laissant sortir la bête qu'il a toujours contenue par amour et incompréhensions mutuelles. Aile va se libérer, comme lui va le faire, tellement lui enfin qu'il réutilisera sûrement ces gestes sur un autre cul au bout de jambes trop courtes pour qu'il ne se nique pas les cuisses lorsqu'il le baise debout.
Parce que peut être un point d'honneur:
d'Aile se disant "jusqu'où j'étais prête à aller avec toi",
de lui pensant "jusqu'où j'aurais voulu aller avec toi".
Ne craignant pas d'aller trop loin, ils y sont habitués.
Il saisit un paddle fourni par l'ex précédent, c'est beau l'esprit de communauté où l'on fait tourner les chattes, les chiennes et leurs accessoires, et commence à malmener ce cul qui l'a tellement fait bander et qu'Aile sait qu'il doit toujours voir en surimpression lorsqu'une croupe bien moins belle s'offre à sa queue.
Il frappe. Il marmonne. Aile sourit.
"Elles sont moches ces marques. Je ne les aime pas. Elles sont moches." Il les agrandit donc, consciencieusement, comme un chien revenant au chenil que d'autres ont occupé et qui en pisserait aux quatre coins pour en marquer sa possession.
Mais qu'Aile ne sourit donc pas, bordel!! Aile est en train de se faire bastonner le cul bon sang. Mais rien ne peut empêcher ce sourire narquois de poindre... Ça lui fait pourtant mal physiquement, cette application à déformer la lisière de ses bleus, mais si pour lui, il est toujours dans le "je ne t'aime plus", Aile sent la jalousie... Peut on être jaloux lorsque l'on n'aime plus...? Mais Aile doit imaginer...
Moralement pourtant, Aile est bien.
Confiante (comme jamais),
Heureuse (de ce qu'Aile ressent),
Fière (de ce qu'Aile est et assume),
Abandonnée (entièrement).
Il cesse un instant, Aile se redresse, il attrape son sein bleuit, le tord. Aile n'est plus "sa" salope, Aile en est une belle. Aile le toise et lui lance:
"Vous vous êtes bien trouvés avec ta dinde, à vous contenter des miettes des autres".
Gifle.
Sourire.
Gifle.
Enfin!!
Dire que c'est Aile qui l'y a poussé, dire que c'est Aile qui voulait qu'il fasse sauter cette barrière, et qu'il n'osait pas. Dire que désormais, ce sera une autre qui les prendra et qu'il pensera peut être qu'elle le lui permet, alors que c'est finalement lui qui se l'autorise après ne pas l'avoir joué avec Aile...
Remise en position, fouet, jeux sexuels avec divers instruments alors qu'il bande dur dans son jean qu'il ne débraguettera pourtant pas. Pas ce soir là du moins.
Les coups au début brûlants, se font caresses, alors que leur intensité pourtant n'a pas diminué, bien au contraire.
Le cuir du chaton qui craque sous la patte du vieux lion, qui s'arrête, et vient essuyer le sang perlant du bout de l'index.
Aile lui saisit les cheveux et colle sa bouche à sa fesse meurtrie. qu'il la reconnaisse jusque dans ce certain goût de fer...
Lèvres et langue sur sa peau craquée comme Aile lui a fait il y a longtemps déjà craquer son armure de faux semblants.
Il recommence. Ce foutu plug strié dont il l'empale, un nouveau double dong rose mais puant autant le plastique que l'ancien.
Et le fouet.
Comme jamais.
Comme avec personne.
A hauteur de ce qu'il l'a aimé, ou à hauteur de ce qu'il la déteste?
Aile part, tremblante, vautrée sur le prie dieu, insensible à la douleur, ondulant doucement, qu'il continue ou qu'il arrête, peu lui importe, Aile n'est plus là.
Quelques larmes, des tremblements.
Bien.
Aile glisse sur le parquet, se recroqueville.
Il lui dit:
"tu peux te rhabiller et te casser".
Aile se redresse, le regarde, le colle, puis plie les genoux pour être moins grande et lui dire:
"Mais tu me remercies pas, tu sais bien que c'est ça pourtant qui développe mon sentiment d'appartenance"
"Qu'est ce que t'es conne" sourit il en la giflant.
Aile se déplie, se détend. Lui demande un verre à boire en allant chercher ses vêtements.
Il lui apporte, se pose dans son fauteuil, Aile à ses pieds.
Aile est nue jusqu'au sang, Aile est bien.
Ils parleront pendant des heures, et le lendemain des heures encore.
Ils chercheront la merde, se rouleront dedans, ils en couleront par tous leurs pores, retrouvant leurs goûts et leurs odeurs.
Purgé le passé de l'urine bue, déglinguée l'hydre sous couvert de désamour qui n'est que son contraire, en mode phénix qui s'est brûlé les ailes.
Renaitre de ses cendres et de sa merde.
Un possible qui se dessine à deux.
Mais tout foutre en l'air, de nouveau.
Si seulement il avait le courage.
Dommage.
Aile s'envole, et s'il reste un fil, ce n'est certainement pas celui de jean jacques goldman, mais bien de l'équilibriste qu'il était et sera toujours, même si ce n'est plus qu'entre deux tours de château de sable indignes d'une arène antédiluvienne...
Regardez-les passer ! Eux, ce sont les sauvages.
Ils vont où leur désir le veut, par-dessus monts,
Et bois, et mers, et vents, et loin des esclavages.
L'air qu'ils boivent ferait éclater vos poumons.
Regardez-les ! Avant d'atteindre sa chimère,
Plus d'un, l'aile rompue et du sang plein les yeux,
Mourra. Ces pauvres gens ont aussi femme et mère,
Et savent les aimer aussi bien que vous, mieux.
Pour choyer cette femme et nourrir cette mère,
Ils pouvaient devenir volaille comme vous.
Mais ils sont avant tout les fils de la chimère,
Des assoiffés d'azur, des poètes, des fous.
Ils sont maigres, meurtris, las, harassés. Qu'importe !
Là-haut chante pour eux un mystère profond.
A l'haleine du vent inconnu qui les porte
Ils ont ouvert sans peur leurs deux ailes. Ils vont.
La bise contre leur poitrail siffle avec rage.
L'averse les inonde et pèse sur leur dos.
Eux, dévorent l'abîme et chevauchent l'orage.
Ils vont, loin de la terre, au dessus des badauds.
Ils vont, par l'étendue ample, rois de l'espace.
Là-bas, ils trouveront de l'amour, du nouveau.
Là-bas, un bon soleil chauffera leur carcasse
Et fera se gonfler leur cœur et leur cerveau.
Là-bas, c'est le pays de l'étrange et du rêve,
C'est l'horizon perdu par delà les sommets,
C'est le bleu paradis, c'est la lointaine grève
Où votre espoir banal n'abordera jamais.
Regardez-les, vieux coq, jeune oie édifiante !
Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu'eux.
Et le peu qui viendra d'eux à vous, c'est leur fiente.
Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux.
Jean Richepin (merci Cyrielle), "Les oiseaux de passage".
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Aile, sans haine, juste la violence d'une histoire ordinaire,
Aile, sans haine mais comme le henné, qui laissera une trace qui finira bien par s'effacer..