Je ne sais pas si ce petit, tout petit chat est plus lucide, ou plus innocent...
Je ne sais pas si l'horreur de ce qu'il a vécu lui donne paradoxalement plus de compassion pour ce que nous appelons "la vie"...
Un tout petit chat qui dit que sa vie, sans son Lui, est vide, que son Il la remplit...
En face, un vieux chat, qui n'a guère souffert dans sa vie, qui l'a eu simple, mais qui se rend compte, lui aussi, qu'elle est vide, bien vide...
Ce vieux chat ne savait pas, au début, que ses poussées d'hormones étaient une recherche de l'amour, l'amour pour combler le vide... Le vieux chat a baisé dans toutes les gouttières à son adolescence, croyant que donner son corps, c'était l'amour, croyant aimer...
Et puis le chat a grandit un peu, et s'est dit que devant la futilité de tout cela, peut être que le vrai amour, c'était le filial...
Alors le chat gambadant s'est transformé en chatte protectrice, a donné à cet amour toute sa vie, et sa vie s'est encore remplie d'un deuxième amour...
Et puis...
Et puis la chatte, fatiguée de vivre une vie qui n'était pas la sienne, a quitté le confort de la panière-prison, emmenant avec elle ses raisons de vivre, pour leur offrir mieux, en commençant par une mère enfin en paix, enfin elle; sans cris, sans stupidité, sans violence, avec l'illusion qu'en face, le géniteur comprendrait et ferait, lui aussi, de son mieux pour les chatons.
La vie a changé, le bonheur de trouver un vieux matou qui lui permet de ne plus être que mère, mais aussi femelle, chat qui miaule et est entendu, chat qui baisse la garde au coucher du soleil sans craindre que la nuit ne lui soit néfaste, d'enfin vivre toutes ses facettes...
Une vie qui enfin ne lui semblait plus vide, avec ce qui lui semblait être enfin de l'amour...
Le chat est agnostique, le chat est apolitique, le chat est cynique.
L'amour pour remplir, donner un but à sa vie, le nourrit.
Mais voilà...
Voilà que le vieux matou regarde d'autres chats qui viennent se frotter à Ses pieds, et qu'Il en sourit, qu'Il caresse....
Le chat est blessé.
Voilà que le chaton le plus grand lui crache à la gueule, menace même de la fourrière...
Le chat est à terre.
Voilà que le chaton le plus petit en pleure...
Le chat n'a pas envie de se relever.
Le chat n'est plus qu'une peau d'chat, une peau vide.
Le chat voudrait, comme le chaton du début de l'histoire, croire en l'amour, s'en remplir, en vivre...
Le petit chaton est roulé en boule dans ma panière.
Le grand chaton est remplit de sa haine.
Et le vieux matou est toujours là, mais elle s'est rendu compte de la
fragilité de ce qui fait qu'Il ai envie de passer Ses doigts sur son
pelage...
Et moi, je ne tiens que par la peau, une peau de chat...