lundi 4 février 2013

"Les infortunes de la Belle au bois dormant" Anne Rice.

Je dois l'avouer, je n'a pas lu "entretient avec un vampire", je l'ai vu.
Je reconnais que d'Anne Rice, je ne connais, euh, rien.

Cependant, à force d'entendre parler de cette trilogie (Les infortunes de le Belle au bois dormant, 1/ l'initiation, 2/ la punition, 3/ la libération) vantée comme étant "autre chose" que les sempiternels bouquins bdsm bourrés de clichés, je me suis lancée.

Bon, mon snobisme, c'est un peu trouver ce qui est réputé introuvable, ce qui est le cas pour ces bouquins qui d'occaze s'affichent à partir de 20€ minimum le volume. (Rassurez-vous, la vague 50 shade a apparemment permis de remettre au goût du jour ce type d'ouvrages et devrait voir la réédition de ces bouquins.) Coup de bol, sur ebay, la trilogie est à ce prix, hop, achetée, reçue, et lue...


"Les infortunes de la Belle au bois dormant. 1/ L'initiation":

Alors imaginez que la Belle ai été réveillée, certes, mais non pas d'un baiser, mais de sa défloraison par "le Prince". Attention, pas une étreinte douce et romantique hein, non, mais bel et bien d'une manière pas tout à fait conventionnelle...:
"Ces seins, ronds et fermes. Elle avait quinze ans lorsque la malédiction l'avait frappée. Il lui mordit les tétons, s'empara de ses seins presque avec rudesse pour éprouver leur poids, et puis les gifla légèrement, aller, retour, avec délectation." La Belle se retrouve donc réveillée; déflorée et à la merci d'un prince (très beau, quand même) qui lui explique "Je suis votre Prince, fit-il, et c'est ainsi que vous vous adresserez à moi, et c'est pourquoi vous m'obéirez." avant de la ravir à sa royale famille pour la conduire en ses terres. Et là...

Là, on peut avoir des extraits des "120 jours de Sodome" qui viennent en tête, c'est vrai que ça m'a pas mal parasité, cette histoire de reine qui reçoit des "tributs" sous forme de beaux et jeunes vassaux et qui durant le temps de leur service ne seront plus que des princes et princesses nues, maltraités, conditionnés à la douleur et au plaisir mêlés, fessés, fouettés, baisés, attachés, humiliés. Mais comme c'est un roman d'Anne Rice, ils sont tous beaux, tous aimants, bien loin des fascistes enlevant les jeunes qu'ils croisent pour les user à la manière de Sade. Une fois ces idées éloignées, on se dit finalement "soit, tous le monde est beau et d'aucun ne regrette son sort finalement, allons y."

Ce qui est très intéressant dans ce roman, qui peut n'être lu qu'au premier degré et aux passages explicites suffisamment nombreux pour créer une certaine moiteur, c'est que derrière l'histoire qui pourrait n'être qu'une version libidineuse d'un conte, j'ai retrouvé certains des mécanismes de la soumission lorsque les personnages se demandent pourquoi ils apprécient ce qu'ils redoutent, pourquoi ils se livrent ainsi et ce qu'ils en retirent.

Hormis le fait que "l'esclavage" ne soit pas volontaire (et encore lorsque l'on lit l'ensemble, on s'aperçoit que tel n'est pas "vraiment" le cas) le sacro-saint SSC (sure; safe & Consensual) est respecté. 

Alors bien sûr tout ce premier tome, et la trame entière de l'ensemble des volumes, imagine une soumission obligée et à tous, s'approchant ainsi de la vie de O à Roissy, mais d'une façon bien plus intelligente, car si les princes et princesse ne peuvent s'échapper, il y a implicitement des règles comme le fait de ne devoir les marquer, mettre à vif leurs fesses que ce soit au battoir ou au fouet, que la durée de leur "service" est prédéfinie, bref, si le roman peut sembler gentillet dans l'idée, j'y ai cependant trouvé les grandes lignes de la relation D/s et une connaissance réelle de ce qu'elle est. Anne Rice ne se contente pas de phantasmer, de rêver l'asservissement sexuel, elle lui donne corps, elle induit la réflexion des personnages sur leur condition, mettant à jour certains des mécanismes qui sont les raisons de ce que certain(e)s d'entre nous cherchent et trouvent parfois dans l'échange de pouvoir érotique: la question de l'humiliation et du plaisir coupable qui y est pris, la notion de douleur jumelée au plaisir pour créer le conditionnement de la jouissance, le sentiment d'appartenance, le plaisir de ne pas avoir à réfléchir mais subir...

Ce premier tome est donc pour tous les publics "avertis", bdsm ou non, et ce qui ne gâche rien, c'est qu'il ne se cantonne pas au point de vue de la Belle, bien que l'on ne lise pas grand chose du point de vue Dominant, mais on y est également confronté à la vision masculine/soumise de la chose et je dirais que pour cela,  il vaut la peine d'être lu. Bien loin de Réage qui alignait des phantasmes "masculins" (à mon sens) pour faire sa Shéhérazade ou des clichés gynarchistes de la littérature érotique destinée aux soumis, il y a des scènes d'homosexualité masculine qui nous sortent un peu des sempiternels broutte-minou-point-d'orgue comme point paroxystique le la subversion obligée pour attirer le lecteur mâle.

Alors si je ne me suis pas reconnue dans ce bdsm qui ne dit pas son nom, mais j'en ai trouvé l'approche bien moins niaise que celle des "ouvrages de référence" anciens ou actuels, la réflexion cependant y est bien plus subtile que les vagabondages de l'âme d'O ou d'Anastasia (non, je n'ai pas lu 50 shade, et je ne le lirais que si on me le donne, mais les extraits que j'ai croisé m'en donnent un aperçu suffisant pour m'en faire une idée) et même si le principe peut sembler similaire à ce qui se passe dans "Gor", l'écriture, la pensée, les mécanismes, y sont analysés de manière bien plus fine.

J'aurais donc tendance à dire que cette trilogie est d'une approche plus "féminine", plus subtile, que ce qui m'a déjà été donné de lire par ailleurs.
Que ça peut se lire à plusieurs degrés, juste comme un petit porno en costumes d'époque, ou comme une analyse tout en finesse de la relation D/s par son grand biais.
Bref, le premier tome achevé, j'ai entamé le second...



"Les infortunes de le Belle au bois dormant 2/La punition. "


Si dans le premier tome il y a une sorte d'acceptation de la soumission de part le "rang" des protagonistes, comme s'il était plus tolérable de se soumettre à quelqu'un de son milieu, le second tome nous montre la Belle et certains de ses condisciples envoyés au "village" pour servir les gens du commun auxquels ils sont vendus aux enchères pour servir, et pas uniquement de manière sexuelle.

Bien sûr, les châtiments corporels sont de mise, la règle établie par la Reine pour mater les punis.
On pourrait virer dans le glauque, mais, c'est un roman d'Anne Rice quand même, les nouveaux propriétaires sont beaux et ont des sentiments pour leurs achats.

Il y a de plus, vie utilitaire au village oblige, des esclaves qui peuvent se retrouver chevaux de trait, abordant alors la notion de pony-play. Comme dans le reste de ce qu'elle aborde de manière apparemment légère, j'ai particulièrement apprécié l'écriture de Rice concernant ce sujet, qui reste lisible au premier degré des sévices imposés restant suffisamment sexuellement explicites, mais permet plus profondément de mieux cerner la "mentalité" de ceux qui s'y livrent.
Certes, le "rôle" de poney était tenu au château des sévices, mais uniquement de manière ludique, pour le plaisir des "habillés" qui s'encanaillaient, mais laissant plus le sentiment de l'animalisation pour le plaisir que de l'animalisation complète que certains petplayers vivent (pour info sur le PetPlay, je vous invite à aller lire là-bas, plus tard^^).

Alors que la soumission du premier tome était dans une ambiance bien plus feutrée, luxueuse, cette "descente" permet par la même d'approfondir la réflexion sur la soumission, la capacité de s'abandonner, par obligation d'abord, mais par envie, aussi, ensuite. Alors que dans le premier volume il pouvait être question d'amour, on s'aperçoit bien vite qu'il était assez identique à celui du chien reconnaissant sauvé de la SPA que du sentiment du chat qui cherche et adopte son Maître... Ce ne sont toujours pas les esclaves qui choisissent leur Maîtres, mais ils s'y attachent et les aiment (ou pas), le premier tome comme étant une mise en condition en douceur de leur rang, une mise à nue de leurs envies profondes qui ainsi acceptées leur permettent de s'y livrer.

Il y a donc une réflexion sous-jacente de part la façon dont tout cela est vécu par chacun des esclaves envoyés au village, des mécanismes qui se mettent en place, de la soumission au plaisir ou de la soumission à la personne. Du sens du Don, imposé, subit, puis choisit, et comment.

De cela, je me dis qu'Anne Rice doit avoir une bonne connaissance du monde bdsm, car ce type de raisonnement est rare chez ceux qui "font des récits bdsm" sans le connaitre, et que même certains qui y sont depuis un moment en sont incapables...

Deuxième tome achevé, passons au dernier...




"Les infortunes de le Belle au bois dormant, 3/ la libération"

Après le château, après le village, que peut il donc bien arriver à la Belle et ses compagnons d'infortune?

Eh bien ils sont enlevés pour aller servir celui qui a initié ce royaume qu'ils connaissent à ce type de plaisirs, le Sultan.

On pourrait redouter le cliché, les harems aux favorites alanguies, scènes de cul pour scène de cul...

Il n'en n'est rien. Rice ne se contente encore, pour celui qui lit derrière les lignes ou réfléchit un temps soit peu, pas de décrire le luxe, la beauté, la perversion. Elle nous immisce dans les pensées des esclaves, de cette nouvelle façon de servir où ils sont objets de plaisir, objets précieux, rares, mais ne devant aucunement proférer la moindre parole pour ne pas montrer qu'ils sont humains.

Une autre vision du bdsm encore pour qui sait la lire, une autre étape, une autre approche.
Y est même abordé la notion du choix de son rang, subissant ou agissant, de la possibilité de se soumettre ou de dominer...




Je sais bien que plus les tomes avancent, plus mes résumés sont brefs...
Mais vous vous doutez que si vous accrochez au premier, vous voudrez découvrir par vous même la suite de ces aventures...

Je conclurais donc en disant que même si l'écrit n'est pas un support masturbatoire pour moi, il y a beaucoup de scènes qui conviendront à ceux qui n'aiment pas uniquement caresser les pages du livre qu'ils feuillettent...
J'ajouterais également que les degrés de lectures différents en font la richesse, n'étant pas simplement du cul pour du cul mais dévoilant certains mécanismes du bdsm...

Bonne lecture?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire