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La pomme et les bourgeons.
Une promenade autour de la bâtisse, comme ça, pour rien, pour regarder toutes les autres maisons, certaines qui autrefois devaient être fastueuses, certaines franchement décrépies, d'autres humbles, mais toutes closes.
Le soleil discret me réchauffe comme il réchauffe le doré des pierres de la cité, fait briller quelques écailles des volets fermés. Allure lente, main qui se pose sur des portes qui semblent pourtant prêtes à se briser, résistant d'une serrure hors d'âge. Au bout de cette rue que hante l'abandon, l'odeur qui émane de la devanture d'un fleuriste.
Et là, alors que quelques voitures singent la circulation de la vie dans des artères poussives, apparait la pomme.
Mais je ne la vois pas encore ainsi, pour le moment, elle n'est que lavande, pervenches.
Un grand placard de bleus passés d'une mode surannée, une jardinière à la masse bleue flottante comme un bouquet aux fins pétales soyeux dansant autour de frêles tiges sèches.
Chaussée de bottines noires et fourrées, retournées sur des chaussettes noires qui plissent jusque sous le mollet. Des jambes si fines qu'elles ne sont plus réduites qu'à l'os, un peu de chair, et une peau blanche et fine, si fine qu'elle se parchemine, brillante, cassante, qui se donne à voir jusqu'aux genoux. Au dessus, les pétales virevoltants en forme de robe Damart ou la Blanche Porte qui recouvrent la plante séchée, laissant ses bras dénudés, à la même peau fine comme une pelure d'oignon que ses jambes chétives.
Comme elle marche lentement, j'arrive à son niveau, et c'est là que je découvre son visage.
Il est ridé tel une pomme oubliée au fond d'un garde-manger et dont l'eau se serait évaporé, recroquevillant sa peau sur sa chair fondue par le temps. Sa bouche édentée est comme ces irrégularités d'une golden ayant été percée par une branche mitoyenne et invasive, les rides y convergeant.
Mais plus que son visage, c'est la main de la pomme qui me surprend.
Elle tient, serré dans son poing comme un porte drapeau présente sa flamme, trois roses jaunes dans leur papier cristal.
Je ralentis, la laisse me dépasser et cale mon pas sur le sien, et suis la pomme en imaginant...
Pour qui sont ces roses qu'elle a acheté? Les a t'elle acheté d'ailleurs, ne serait-ce pas un galant qui les lui a commandé, et comme un amoureux espiègle, lui a juste donné comme indice le nom de la boutique où elle devait se rendre? Elles ne sont pas rouges, elles sont jaunes. La pomme n'aurait donc pas livré son nectar à celui qui doit souhaiter y goûter, peut être est il timide...
La pomme avance lentement, mais le bras reste vaillant et les roses semblent dressées comme une arme pour pourfendre l'idée que l'amour ne vaut que jeune, vaillant et frais...
L'imagination continue son chemin, s'éteint. Cette route, ça pourrait être celle du cimetière, mais elle ne passe que devant le collège dont la sonnerie vient de retentir et des portes duquel s'égayent des adolescents.
La pomme a changé de trottoir, me laissant avec les possibles de ces roses fraîches dans sa main flétrie...
Sur mon trottoir, ce sont désormais les jeunes pousses qui s'offrent à mon regard.
C'est le premier jour du printemps, la sève monte le long des troncs vigoureux et la nature, comme les faciès adolescents, s'embourgeonne.
Pas de roses, de communication kabbalistique en fonction du nombre, de la couleur, de la fleur offerte, mais des portables qui échangent des "<3", des "love", des JTM.
Pas beaucoup de rêve, de la technologie, peu de romantisme, beaucoup de rentre dedans.
Aujourd'hui, je me sens plus proche de la pomme.
Parce qu'hier, j'ai reçu deux rosiers, un jour en avance.
J'ai lu, j'ai regardé, me suis renseigné sur comment les planter.
Puis je suis allée dans la cour, me suis posée pour voir où ils seraient le mieux pour pousser..
Le choix fait, j'ai réalisé un muret de pierres sèches, vidé des jardinières à l'intérieur, suis allée acheter un sac de terreau, les ai planté à cet angle de mur, à peine éloignés, que l'un n'étouffe pas l'autre mais qu'ils croissent pourtant ensemble dans cet arc de cercle...
Il y a un rosier blanc, et un rosier rouge...
Un jour, si vous êtes sages, et si l'envie m'en prend, tata miaoum vous parlera de la cérémonie des roses...
C'est juste Beau.
RépondreSupprimerPeut être à cause de l'évocation de la rose, fut-elle sauvage, dans un jardin chimérique, je ne sais pas.